Je me rappelle pourtant que ma Frangine, devenue maman pour la première fois en 2009, a très mal vécu l'indifférence de notre mère pendant sa grossesse.
Elle éprouvait le besoin d'échanger avec elle, de lui poser mille questions sur ses sensations, sur le nécessaire à avoir pour son bébé à la naissance, sur les suites de couches... Alors elle l'appelait, souvent. Elle n'attendait pas les réponses que n'importe quelle sage-femme ou collègue aurait pu lui donner, juste de l'INTERET. Une preuve que sa maman s'intéressait à la grossesse de sa fille.
Dans les films, souvent la mère et la fille se retrouvent quand cette dernière tombe enceinte. Pas dans notre film. Alors, Nanny, elle me les posait à moi ses questions. J'étais sa petite sœur, mais j'avais été enceinte avant elle, maman avant elle (si on ignore le fait, qu'elle a été ma mère à moi en quelque sorte). Elle me posait des questions et parfois elle se plaignait de ne pas avoir plus d'intérêt de la part de notre mère. Moi, j'avais mon armure. Plus besoin d'une maman, surtout d'une maman comme ça. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais compris ce besoin. Enceinte et fragile ou pas, pourquoi avoir besoin de ses conseils à ELLE et surtout dans un domaine qu'elle n'a su maîtriser que jusqu'à nos 6 ans ?
Il serait long et peut-être un peu indécent de décrire mon mal de mère. Certaines choses ne se pardonnent pas, ou plutôt, je ne peux pas pardonner certaines choses. Les mots sont parfois pires que les coups. Je jure que certaines fois, j'aurais préféré être battue. J'aurais sans doute eu l'impression d'exister pour elle et de mériter autre chose que ce qu'elle m'offrait. Au fil des années, pour me protéger, donc protéger le frêle équilibre de ma petite famille monoparentale (avant de rencontrer Monsieur il y a 5 ans), j'ai appris à me contenter du peu que cette mère pouvait me donner. Un coup de fil de temps en temps, essentiellement pour parler d'elle. Peu importe ce que j'ai à dire, il y a toujours plus important dans sa vie. Le manque de ses bras et de ses mots d'amour a eu une conséquence directe sur l'estime que j'ai pu avoir de moi. Ce n'est pas pour rien qu'aujourd'hui encore, lorsqu'on m'offre un cadeau, une part de moi pense ne pas le mériter. Et c'est valable pour l'amour et l'amitié...
Les sentiments, le cœur, toussa toussa, c'est quand même sacrément chiant. Elle est comme elle est ma mère et je n'ai plus besoin d'elle. Et pourtant, j'ai aujourd'hui ce pincement au cœur quand je pense qu'elle ne prend JAMAIS de mes nouvelles. Qu'elle n'a JAMAIS vu mon ventre. On ne s'est pas vues depuis mon mariage et ça ne lui pose aucun problème. Elle ne voit mon fil qu'une fois par an...
Tu vas me dire que je peux aller la voir. Bien sûr que je peux. Et je le ferai sûrement. Je vais encore faire le premier pas. Pour la forme probablement, pour ne pas avoir à dire : "ma mère ne m'a pas vue enceinte de mon deuxième enfant". Il faudra sans doute aussi que j'aille la voir avec ma fille. Dois-je compter sur une visite à la maternité ? Elle n'est pas venue en mai, quand j'ai été opérée, pas plus qu'elle n'est venue en 2005 quand j'ai été malade pour la première fois.
J'ai cessé de me demander comment une maman peut laisser son enfant affronter un cancer, si petit et non fatal soit-il, seule avec un enfant. Dieu merci j'ai mon papa. Bourru, chiant à souhait, râleur, mais quel papa...
Pour la première fois depuis longtemps, j'ai besoin de quelque chose venant d'elle.
Si je pouvais te parler je te dirais que tu me manques Maman, même si je ne sais pas comment. Je ne sais pas ce qui me manque chez toi puisque notre dernier câlin remonte à 22 ans. Puisque que tu ne m'apportes rien, hormis un modèle auquel je ne veux pas ressembler.
Je te dirais que tu loupes quelque chose parce que je suis une fille bien. Je crois que je suis une fille bien, même s'il m'a fallu des années pour l'admettre.
Je te dirais que j'ai réussi à garder quelqu'un dans ma vie et à être heureuse avec lui, malgré tout ce que tu m'as dit. Je mérite l'amour que les miens me donnent. Comme c'est difficile d'écrire ça.
Je te dirais que je te déteste parfois de ne pas m'aimer assez. De ne pas aimer Nanny et mon petit frère assez.
Je te dirais que je connais ton enfance difficile, je connais tes souffrances, tes sacrifices, ton mariage trop précoce.
Je te dirais que, bordel, c'est pas une raison. C'est pas une raison. Pas une raison pour avoir dit tout ce que tu nous as dit. Ta plus grande fille a du mal à regarder les gens dans le yeux par ta faute. Et ta cadette, moi, a mis plus de 8 ans à s'admettre digne de mériter l'amour d'un homme. Et tu recommences encore avec ton dernier enfant.
Je te dirais que tu es folle, parce que parfois je pense vraiment que tu es folle.
Je te dirais que tes enfants, tes trois enfants, auraient toujours dû passer avant. Avant tout le monde, avant tes propres désirs.
Je te dirais que j'en veux à cette grossesse qui fait renaître en moi un petit besoin de toi...
Je te dirais que par ta faute, j'ai peur d'avoir une fille.
Et chez vous, la grossesse fait remonter les "vieux dossiers" aussi ?
Photo : Elle et ses bijoux. Parce que j'ai cru et je crois encore qu'elle les aime plus que moi...
P.S : Beaucoup de retard dans les réponses aux commentaires, je m'y attelle aujourd'hui. La Fève va très bien, c'est toujours un petit gabarit !